Orateur
Description
Pratiques de la précision : du bon usage du chronomètre de poche à la fin du XVIIIe siècle
Complice d’une historiographie anglo-saxonne dominée par l’hagiographie de John Harrison, l’histoire des origines de la chronométrie s’est façonnée autour d’une vision biaisée et fortement teintée de déterminisme technologique. Cette tradition a élaboré le récit d’une success-story à la fois fulgurante et uniforme, en attribuant la réussite du chronomètre à son contenu technique innovant : transformée en garde-temps, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle la montre perd en effet son statut de marqueur social pour devenir un instrument scientifique à part entière. Ces études ont toutefois négligé d’interroger les processus de négociation sociaux, culturels et scientifiques sous-jacents à ce changement de paradigme. Des arrangements, voire des compromis sont rendus nécessaires pour atteindre un consensus sur les avantages de ce nouvel instrument. Parmi ceux-ci, l’apprentissage de pratiques matérielles et corporelles garantissant le fonctionnement correct de ces montres a compté de manière significative dans leur diffusion. La performance du garde-temps – et par conséquent la fiabilité des données collectées et leur élaboration en faits scientifiques – résulte de facteurs dont l’utilisateur est le seul responsable, et non pas de la qualité des engrenages. Ainsi, c’est aux enjeux de cette interaction entre usagers et garde-temps que notre intervention va se consacrer. Elle se basera notamment sur l’exemple des chronomètres de poche produits par l’atelier londonien de Josiah Emery entre 1782 et 1794, considérés à la fin du XVIIIe siècle les montres les plus précises de leur époque.